DJ Arafat était suivi par plus de 2,4 millions d’abonnés sur le réseau social Facebook. Sa mort a été un grand bouleversement pour ses fans que l’artiste avait rebaptisé ‘‘les chinois’’, eu égard de leur nombre. S’il était particulièrement apprécié par les mélomanes ivoiriens pour sa musique et sa créativité, pour Alain Lobognon, l’artiste chanteur décédé reflétait également à travers sa musique le symbole d’une jeunesse ivoirienne désespérée et en manque de repère.
Il est né Ange Didier Houon. Il est le fils d’artistes ivoiriens bien connus, Houon Pierre et Valentine Logbo. Le monde entier le connaît sous le pseudonyme de DJ Arafat. Sa sonne comme l’échec de la classe politique en Côte d’Ivoire dans son ensemble, qui n’a pas voulu apporter les réponses pour l’épanouissement d’une partie de la jeunesse ivoirienne, aujourd’hui reléguée au rang de laissés pour compte.
Ancien ministre chargé de la Jeunesse, j’ai été témoin du peu d’intérêt consacré à tous ces jeunes, en dehors du parrainage de spectacles dansant à la gloire des uns et des autres. Il suffit de fouiller dans les annales étatiques des dix dernières années, pour apprécier cette colère qui me dévore, tant l’on a affiché du mépris ça et là lorsqu’il s’agissait d’apporter de vrais solutions aux problèmes des jeunes qui sont nés dans la crise, ou ont grandi dans la crise.
À un moment donné, l’on s’amusait à rire des textes du jeune artiste. Que véhiculaient-ils? Lui-même avait répondu à la question des adultes. Rien! Juste pour danser.
Et pourtant, ces textes exprimaient le désespoir de la jeunesse de Côte d’Ivoire, hantée par les conséquences des échecs. Échec scolaire, échec professionnel, échec tout simplement.
Quand on est Ivoirien, du sommet de l’Etat au petit peuple en passant par ce qu’il reste de classe moyenne, la mort de DJ Arafat, doit nous ouvrir les yeux sur nos échecs collectifs, symbolisés par notre enfermement dans le déni perpétuel. On a refusé, collectivement à un moment donné de reconnaître que tout n’allait pas bien. Certains ont cru naïvement que tout allait bien, lorsque des jeunes étaient invités à se trémousser aux sons de l’artiste disparu.
DJ Arafat, pour moi, était le symbole de cette jeunesse incomprise, cette jeunesse déboussolée. Une jeunesse qui n’a que des sonorités et pas de danses magiques pour exprimer ses amertumes et ses colères à l’endroit des parents, que nous sommes qui avons tous démissionné.
On les appelle les Chinois, parce qu’ils sont nombreux. Inconsciemment on rit, quand on apprend que les adeptes de DJ Arafat se font appeler les Chinois.
Samedi 24 Août 2019, ils sont sortis comme savent le faire les Chinois pour pour rendre hommage à leur leader. Cela m’a ramené 30 ans en arrière lorsque les jeunes que nous étions rendaient hommage à Roger Fulgence Kassy, l’idole des jeunes aujourd’hui devenus des adultes. Nombreux nous étions. Mais pas comme eux.
Oui! Ils sont les Chinois. Parce qu’ils constituent la majorité du Peuple ivoirien. Et nous devons cesser de croire qu’ils ne représentent que l’échec de leur parents. Parce qu’en réalité, ils représentent notre échec collectif à régenter normalement la Côte d’Ivoire.
Que la mort du fils de Houon Pierre, nous réveille tous et ouvre enfin les yeux à ceux qui nous gouvernent. Parce que l’éveil de la Chine surprend aujourd’hui ceux qui ne s’y attendaient pas!
Alain LOBOGNON,
Député de la Nation.
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