Le jeudi 19 septembre 2019 marquera le 17e anniversaire de la crise politico-militaire qui a conduit à la scission de la Côte d’Ivoire en deux parties. Considéré par ses détracteurs comme le ‘‘père’’ de la rébellion qui a divisé le pays, Guillaume Soro a une nouvelle fois demandé pardon aux ivoiriens, dix-sept ans après la crise qui a endeuillé des centaines de familles en Côte d’Ivoire
Appel pour un nouveau dialogue politique en Côte d’Ivoire
Il y a 17 ans, éclatait le soulèvement militaire du 19 Septembre 2002. Au cours de cette pénible période, notre pays a été endeuillé. Des familles ont perdu des êtres chers. Des épouses ont perdu leurs époux.
Des enfants ont perdu leurs pères. L’Etat a perdu des Serviteurs et non des moindres. Pour tous ces concitoyens qui ont perdu la vie, j’ai une pensée sincère.
Au nom de mes compagnons de lutte, je renouvelle mes vives condoléances à toutes les familles endeuillées et j’implore la grâce de Dieu sur notre pays. Je réitère le Pardon sincère que je n’ai cessé de prôner, et j’appelle tous les acteurs et coauteurs qui se reconnaitraient à en faire de même.
Le 19 septembre 2002 ne doit pas être regardé comme le début des divisions fratricides en Côte d’Ivoire.
Des analystes continuent de restituer l’histoire en limitant le 19 septembre 2002 à un caprice condamnable d’enfants gâtés portant le glaive dans le sein de la mère patrie.
Le 19 septembre 2002 ne marque pas le point de départ de la longue quête de notre pays sur les sentiers rocailleux de l’égalité des citoyens, de l’idéal de justice sociale, de la paix civile et de la concorde nationale.
On occulte bien souvent que le 19 septembre 2002 s’inscrit irrémédiablement dans la trajectoire historique d’un pays en quête de légitimité démocratique. Un pays qui, 20 ans après le coup d’état de 1999, 26 ans après la mort du Président Houphouët-Boigny, 29 ans après le retour officiel du multipartisme, court encore et toujours après une démocratie consensuelle, inclusive et apaisée.
Et pourtant, suite à la survenance du 19 septembre 2002, nos concitoyens ont consenti tous les sacrifices pour parvenir à la paix. En vain. Sept accords internationaux (d’Accra à Ouagadougou en passant par Linas-Marcoussis, Kléber et Pretoria) et quatre Résolutions de l’ONU n’ont pas suffi à nous éviter la sueur, les larmes et le sang de la crise post-électorale de 2010.
Bien tragique destin que celui de notre Patrie bien aimée la Côte d’Ivoire. Une Patrie, à qui s’est imposée la grave crise en 2002 pour redéfinir les règles du jeu démocratique. Une Patrie qui a, encore, dû concéder une autre crise fratricide en 2011 pour imposer le verdict des urnes à tous les acteurs de la scène politique.
Bien tragique destin que celui de notre pays, la Côte d’Ivoire qui réussit en 2010, 50 ans après son indépendance le 7 Août 1960, l’organisation d’une élection présidentielle ouverte et démocratique, mais qui, aujourd’hui, craint à réaliser une alternance pacifique du pouvoir au sommet de l’Etat.
Actuellement, tous, nous préparons la troisième élection présidentielle, 17 ans après le 19 septembre 2002.
La Côte d’Ivoire s’achemine-t-elle pour autant vers une transition pacifique du pouvoir d’Etat ?
Si tel est notre vœu le plus cher, il est cependant permis d’en douter, en raison du déficit général de culture démocratique. Notre responsabilité est collective. Que devons-nous donc faire ?
II nous faut, ensemble, construire un nouveau rapport au Pouvoir en remettant l’Etat au service du Citoyen. L’espace démocratique doit être régi par des règles justes, inclusives et acceptées de tous. C’est la base du nouveau contrat social. C’est la condition optimum du vivre ensemble et de la Réconciliation nationale souhaitée et attendue par tous nos concitoyens.
Parce qu’il n’existe aucun sacrifice de trop, au nom de la Réconciliation nationale, le souvenir du 19 septembre 2002 nous engage tous, à solder les affres de la crise post-électorale de 2010 par la libération de tous les prisonniers politiques et militaires encore détenus dans les prisons en Côte d’Ivoire.
La Réconciliation nationale ne peut pas et ne doit plus se faire à petits pas. La Réconciliation nationale ne doit pas être un nouveau slogan, une expression de mode accommodée à tous les discours politiques et
à toutes les sauces idéologiques. Le 17ème anniversaire du déclenchement de la crise politique et militaire du 19 septembre 2002 nous donne, désormais, l’opportunité
de rappeler à tous, à toute la classe politique, au pouvoir RHDP et en premier lieu au Président de la République, la nécessité de construire et d’approfondir le débat politique.
Un débat politique véritablement ouvert et inclusif ouvrira tous les champs possibles pour une vraie Réconciliation nationale, réconciliation des cœurs, des territoires et des acteurs majeurs de la vie publique.
La Réconciliation nationale reste un préalable à l’organisation d’un processus électoral apaisé. C’est pourquoi, j’en appelle au sens de la responsabilité d’Etat afin que s’ouvre à quelques mois de l’année de
renouvellement des mandats du Président de la République et des Députés de l’Assemblée nationale, un dialogue inclusif impliquant tous les enfants de Côte d’Ivoire afin d’aboutir à un vrai consensus autour :
1. D’un nouveau Code électoral conforme aux dispositions de la Constitution du 8 novembre 2016 ;
2. D’une nouvelle Commission électorale indépendante ;
3. Du renouvellement de la liste électorale afin que le droit de vote de chaque citoyen ivoirien soit respecté ;
4. D’un nouveau découpage des circonscriptions électorales.
Que Dieu bénisse et protège notre chère Côte d’Ivoire.
SORO Kigbafori Guillaume,
Président du Comité Politique,
Ancien Premier Ministre,
Ancien Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.
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