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Affaire Boundy : le grand déballage de Tiémoko Antoine Assalé

Avant d’être maire, Tiémoko Assalé Antoine a consacré plusieurs années de sa carrière de journaliste à l’affaire Boundy qui remonte à l’année 2006. Dans ce grand déballage qui n’est qu’un résumé de l’enquête menée, le journaliste dévoilé comment les enfants Boundy, orphelins de père et de mère ont été injustement privés d’un terrain dont ils avaient hérité, terrain pour lequel ils ont payé des impôts pendant 42 ans.

AFFAIRE « BOUNDY, UN SCANDALE JUDICIAIRE »
NB/ Toutes mes excuses. J’avais promis de résumé l’affaire, plus de 150 pages et pièces d’enquête, en 25 lignes. Je me suis rendu compte qu’en le faisant ainsi, beaucoup d’éléments importants pour votre compréhension, auraient été mis de côté. J’ai donc fait du mieux que j’ai pu et voilà le résultat, plus long que ce que j’ai promis. Je vous prie de prendre quelques minutes de votre précieux temps, pour le lire entièrement. Et, encore une fois, toutes mes excuses.
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L’affaire Boundy,
En juin 2006, un faussaire nommé Sossa Vagbé, tente, sur la base d’une décision de justice rendue par défaut, de faire expulser les enfants Boundy du terrain de 742 mètres carré et sur lequel ils ont vécu pendant 62 ans et ont payé l’impôt foncier pendant 42 ans. Ils attaquent alors la décision. Au cours du procès qui s’ensuit, les enfants, orphelins de père et de mère, n’ayant que ce terrain comme seul héritage que leur ont laissé leurs défunts parents, découvrent que le faussaire s’est fait établir depuis 3 ans, une lettre d’attribution, un arrêté de concession provisoire sur le terrain. Ces documents ont été délivrés par le ministère de la construction, alors dirigé par Amon Tanoh.

Les enfants attaquent alors ces documents obtenus selon eux sur la base de faux, devant le ministre de la construction, et le prient de retirer ces actes administratifs illégaux créateurs de droit et obtenus en fraude. Après enquête, la direction juridique du ministère découvre qu’elle a été induite en erreur, par conséquent, les actes délivrés sont frappés d’inexistence et pouvaient être retirés sur simple saisine de n’importe quel justiciable. Sur ses conseils, le ministre, par arrêté, retire donc ces actes illégaux qu’il a signés au bénéfice du faussaire. Sur la base de l’arrêté du ministre, la Cour d’Appel d’Abidjan, annule la décision d’expulsion des enfants, obtenue par le faussaire.

Entre temps, le faussaire qui avait vendu le même terrain à trois personnes différentes, poursuivi par l’un des acquéreurs grugés, a pris la fuite.
Un an plus tard après l’arrêt de la cour d’appel, l’un des acquéreurs, le nommé Ali Fawaz, alors qu’il avait reçu copie de la décision du ministre et l’arrêt de la cour d’appel depuis an, introduit un recours gracieux auprès du ministre pour obtenir l’annulation de l’arrêté qui a rapporté les actes illégaux obtenus par le faussaire. Pour avoir introduit son recours hors délai, il avait 2 mois pour agir (il a mis 12 mois), le ministre rejette le recours d’Ali Fawaz.

Ali Fawaz saisi alors la chambre administrative de la cour suprême en recours pour excès de pouvoir, contre la décision du ministre. Le 30 mars 2011, sans tenir aucun compte du mémoire du ministère de la construction, ni du fait que Ali Fawaz est complètement hors délai, la cour suprême annule l’arrêté du ministre. Au motif que les enfants Boundy ont exercé leur recours gracieux hors le délai de deux mois et qu’ils l’ont fait après trois ans.

Voilà donc, Ali Fawaz, sur la base de cette décision, nouveau propriétaire du terrain des Boundy.
Et c’est à ce niveau que tous les juristes de bonne foi, tous les amoureux de la justice, crient au scandale.
Selon plusieurs spécialistes du droit administratif, y compris des magistrats interrogés :
1/ Ali Fawaz a eu connaissance de la décision du ministre de la construction, le 28 février 2008. Il avait jusqu’au 27 avril 2008 pour faire son recours gracieux. Il n’introduira son recours que le 26 octobre 2009, soit plus d’un an plus tard.

Dès lors que Ali Fawaz a introduit son recours gracieux hors délai, 12 mois au lieu de 2 mois après avoir eu connaissance de la décision, c’est à bon droit que le ministère l’a rejeté pour forclusion. A partir de ce constat, la Cour suprême n’avait même plus besoin de retenir ce dossier, le juger recevable et lui donner une suite favorable. Mais il l’a fait, on ne sait trop pourquoi.

2/ Les enfants Boundy n’ont pas exercé de recours gracieux contre les documents illégaux délivrés au faussaire. Ils ont demandé le retrait de ces actes illégaux obtenus sur la base de fausses déclarations donc frappés d’inexistence. Par conséquent, cette demande de retrait pouvait se faire à tout moment.
Mais à supposer même qu’ils aient exercé un recours gracieux au bout de trois ans au lieu de deux mois comme l’a dit la cour suprême, à partir de quand ce délai de deux mois courait-il vu qu’il a été démontré que les enfants Bundy n’ont eu connaissance des documents illégaux du faussaire, délivrés en 2005, qu’à la faveur du procès que ce dernier leur faisait en 2007 ?

Comment peut-on contester une décision dont on ignore l’existence et qui n’a jamais fait l’objet ni de publicité ni de notification ? Le délai de deux mois court à partir de la notification ou de la publicité. Or, sachant cela, le faussaire, à la recherche d’acquéreur, n’a jamais, pendant trois ans, notifié ces documents à ceux qui vivaient depuis 62 sur le terrain qu’il prétend être sa propriété. La cour suprême a reproché aux enfants Bundy de n’avoir pas contesté dans le temps, une décision dont ils n’avaient pas connaissance.
Sur la base de cette décision contestable et sans obtenir une autre décision l’autorisant à détruire les bâtis, Ali Fawaz a fait détruire toutes les maisons construites par les Boundy, sur le terrain où ils vivaient depuis 62 ans. Et, rapidement, alors que les enfants dormaient dans la rue devant les ruines de leurs maisons, il avait entrepris de bâtir un immeuble sur la parcelle.

Des Ivoiriens épris de justice, des journalistes (notamment ceux de « L’Eléphant Déchaîné qui ont fait une enquête complète sur toute l’affaire et son environnement et ont découvert toutes les magouille, les protections dont le faussaire a bénéficié devant la justice pénale), des ONG, se sont opposés à cette injustice.
A ce jour, les enfants Boundy sont toujours sur le terrain. Des bonnes volontés leur ont bâti une nouvelle maison. Et, ils continuent de se battre pour que justice leur soit faite. Parce que le faux ne peut jamais créer de droits et que « rendre justice, c’est bien, mais faire justice est mieux ».

Cette Sombre affaire et l’acharnement des Fawaz , ces gens qui ont les moyens d’acheter le tout Abidjan et qui prétendent avoir dépensé plus de 200 millions pour défendre un terrain qu’ils ont acheté à 25 millions y compris en proposant 15 millions aux orphelins pour renoncer à leurs droits, ont créé une vive émotion dans le pays. Et les Ivoiriens dont beaucoup sont victimes de ce genre d’abus avec l’aimable contribution de leur justice qui, très souvent s’est éparpillée dans des décisions contradictoires sur les questions de foncier en créant une véritable insécurité juridique, attendent de voir ce qui va se passer.

Cette affaire est d’autant plus grave que l’une des filles Boundy, ironie du sort, travaillait pour les Fawaz et qu’elle les avait priés de ne pas acheter ce terrain parce que le vendeur était un faussaire connu qui n’avait aucun droit sur le terrain, seul bien que leurs parents leur ont laissé. Et que ce faussaire avait tenté de vendre ce terrain, à plusieurs personnes qui avaient pris le soin de se rendre sur le site avant de lui remettre de l’argent et qui, une fois sur le terrain, se sont rendus compte que le terrain abritait plusieurs maisons. Mais les Fawaz, assurés de leur puissance dans ce pays, n’ont pas écouté leur employée et dans son dos, sont allés acquérir le terrain. Leur employée, informée de cette forfaiture, a démissionné. Donc, ce sont des acquéreurs de mauvaise foi.

Dans l’acte notarié de vente qu’ils se sont fait délivrer, il est mentionné que le terrain n’a jamais été mis en valeur, qu’il a été acheté, nu. Alors que depuis 62 ans, le terrain avait été mis en valeur avec plus de 4 maison y construites.
Etrangement, les Fawaz ont pris des loubards qui, sous la protection de la police, ont détruit toutes les constructions sur un terrain jamais mis en valeur selon eux.

Deux petits miracles
1/Le faussaire, avant de vendre le terrain aux Fawaz, l’avait déjà vendu à 20, 8 millions, par devant notaire, le 25 novembre 2005, à un Français nommé Pascal Sahuque, ancien pilote de ligne, vivant en Zone 2. Quand le Français s’aperçoit qu’il a été grugé, puisque le même terrain sera vendu aux Fawaz à 25 millions, il porte plainte contre Sossa Vagbé, le faussaire. Ce dernier disparait de la circulation. Un avis de recherche est lancé contre lui par la Brigade de recherche de la gendarmerie. Interpol est également saisi. En août 2009, le faussaire, alors qu’il tentait de quitter le pays, est arrêté à l’aéroport d’Abidjan. Il passera deux jours au violon puis, sera déféré au parquet. Là, il se produira un miracle.

Le faussaire sera libéré, sans aucune poursuite et la plainte du Français, sera retirée par on ne sait qui, sans qu’il ne soit informé de quoi que ce soit. Pendant deux mois, le Français tentera de rentrer en contact avec son avocat, Me Sonté Emile. Sans suite. Pendant un an, il n’aura aucune nouvelle de l’avocat.
En désespoir de cause, il écrira au bâtonnier de l’Ordre des avocats, le 22 septembre 2010. Ce qu’il ne savait pas, c’est que son avocat, Me Sonté Emile, était devenu l’avocat des Fawaz, donc du faussaire, Sossa Vabgé. Et c’est de cette façon qu’il a retiré la plainte contre le faussaire, sans informer son client. Devinez ce qui s’est passé au parquet et pourquoi le faussaire n’est jamais allé en prison.

2/ Quand les Boundy portent plainte contre le faussaire pour faux et usage de faux, le juge d’instruction ordonne une expertise graphologique pour déterminer si les signatures au bas des documents qui ont permis au faussaire de vendre le terrain, sont authentiques. Un expert en la matière est nommé et commence son travail. Aussitôt Sossa Vagbe l’approche et lui demande de produire un faux rapport au juge d’instruction. En contre-partie, il lui propose de lui donner gracieusement une partie du terrain qu’il avait déjà vendu plus la somme de 37 millions de Fcfa. L’expert refusé. Le faussaire le menace de mort. Ecoeuré, l’expert lui adresse une lettre dont il achemine copie au procureur général et au juge d’instruction : « (…) J’ai 22 ans d’expérience en ma qualité d’Expert Graphologue agréé près les tribunaux et Cours de Côte d’Ivoire. Mon travail est purement basé sur la science et dans le strict respect du serment qui a été plaqué à ma conscience. Vous avez d’ailleurs compris pourquoi vos intentions, -premièrement de me concéder une partie de la parcelle litigieuse, si mes conclusions vous étaient favorables, -et deuxièmement de me tenir à disposition la somme de 37 millions de FCFA, de la part de vos partenaires, n’ont pas prospéré… »

L’expert dénonce par la suite le faussaire auprès du juge d’instruction et du procureur. Personne n’a réagi. Les conclusions de l’expert ont été sans appel. Tous les documents produits par Sossa Vagbé pour vendre le terrain aux Fawaz sont des faux. Il n’y aura aucune suite contre le faussaire. Ni au pénal, ni au civil. Parce que le mettre en prison, c’était donner raison aux enfants Boundy, expropriés de leur bien. Et ça, ce n’était pas possible. Elle n’est pas belle, la Côte d’Ivoire ?
Voilà toute l’affaire Boundy sur laquelle nous avons enquêté pendant plusieurs mois. Nous pensons que cette affaire mérite bien un livre.
ASSALE TIEMOKO ANTOINE
JOURNALISTE PROFESSIONNEL

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